La vie est jonchée de décisions à prendre. Et l’une des options qui s’offrent à un investisseur immobilier est la suivante : faut-il privilégier la rentabilité ou la valeur patrimoniale ?
Première option : la rentabilité
Prenons un exemple :
Supposons un investissement de 300.000€ à Saint-Étienne.
Le prix moyen au m2 à Saint-Étienne est de 953,00€, au 1er janvier 2019.
Le loyer moyen au m2 à Saint-Étienne est de 7,30€, au 1er janvier 2019.
Ainsi pour un budget de 300.000€ au 1er janvier 2019, à Saint-Étienne, cela correspond à un appartement de 314,79m2. Compte tenu du prix moyen des loyers à cette période, ce bien permet donc de générer un revenu locatif de 2.297,97€ par mois, soit 27.575,64€ par an.
La rentabilité brute tirée de cet investissement s’élève donc à 9,19%.
Supposons désormais que l’investisseur se situe dans une TMI à 30%. Les loyers générés seront donc imposés à hauteur de 30% + 17,2% de prélèvements sociaux. Pour simplifier les calculs nous feront abstraction de toutes les charges annexes, et supposerons que le contribuable a donc décidé d’opter pour l’abattement de 30% et non pour le régime réel d’imposition de ses revenus fonciers.
(27.575,64€ – 30% d’abattement) X (30% d’IR + 17,2% de prélèvements sociaux)
= 19.302,95€ X 47,2%
= 9.110,99€ d’impôts
Autrement dit sur les 27.575,64€ de loyers perçus, il reste 18.464,65€ de revenus fonciers nets par an. Soit une rentabilité nette d’impôts de 6,15%.
Cependant, le prix moyen au m2 sur Saint-Étienne a chuté de 31,10% sur les 10 dernières années.
En supposant que la baisse se poursuive pendant les 10 prochaines années, cela signifie qu’un bien acheté 300.000€ au 1er janvier 2019 ne vaudra plus que 206.700€ dans 10 ans.
L’opération aura donc permis de générer 18.464,65€ de loyers nets par an, soit 184.646,50€ en 10 ans.
Retirons à cela la moins-value de 93.300€ et l’opération aura finalement rapporté 91.346,50€ sur 10 ans.
Deuxième option : la valeur patrimoniale
Prenons un exemple :
Supposons un investissement de 300.000€ dans le 6ème arrondissement de Lyon.
Le prix moyen au m2 à Lyon 6ème est de 5.293,00€, au 1er janvier 2019.
Le loyer moyen au m2 à Lyon 6ème est de 13,80€, au 1er janvier 2019.
Ainsi pour un budget de 300.000€ au 1er janvier 2019, à Lyon 6ème, cela correspond à un appartement de 56,68m2. Compte tenu du prix moyen des loyers à cette période, ce bien permet donc de générer un revenu locatif de 782,18€ par mois, soit 9.386,16€ par an.
La rentabilité brute tirée de cet investissement s’élève donc à 3,13%.
Supposons désormais que l’investisseur se situe dans une TMI à 30%. Les loyers générés seront donc imposés à hauteur de 30% + 17,2% de prélèvements sociaux. Pour simplifier les calculs nous feront abstraction de toutes les charges annexes, et supposerons que le contribuable a donc décidé d’opter pour l’abattement de 30% et non pour le régime réel d’imposition de ses revenus fonciers.
(9.386,16€ – 30% d’abattement) X (30% d’IR + 17,2% de prélèvements sociaux)
= 6.570,31€ X 47,2%
= 3.101,19€ d’impôts
Autrement dit sur les 9.386,16€ de loyers perçus, il reste 6.284,97€ de revenus fonciers nets par an.Soit une rentabilité nette d’impôts de 2,09%.
Cependant, le prix moyen au m2 sur Lyon 6ème a augmenté de 58,10%sur les 10 dernières années.
En supposant que la hausse se poursuive pendant les 10 prochaines années, cela signifie qu’un bien acheté 300.000€ au 1er janvier 2019 en vaudra 474.300€ dans 10 ans.
L’impôt sur la plus-value sera à ce titre de :
- Abattement pour durée de détention sur la PV : 6% X 5 ans, soit 30%
- Impôt sur la PV immobilière : (174.300€ – 30%) X 19% = 23.181,90€
- Abattement pour durée de détention sur les PS : 1,65% X 5 ans, soit 8,25%
- Prélèvements sociaux : (174.300€ – 8,25%) X 17,2% = 27.506,28€
- Taxe sur les PV de cessions d’immeubles supérieures à 50.000€ : 3.660,30€
Soit une imposition globale de la plus-value généréeà hauteur de 54.348.48€.
L’opération aura donc permis de générer 6.284,97€ de loyers nets par an, soit 62.849,70€ en 10 ans.
Ajoutons à cela la plus-value nette de 119.951,52€ et l’opération aura finalement rapporté 182.801,22€ sur 10 ans.
Variable n°1 : l’évolution des prix au m2 n’est pas une science exacte !
Si l’on s’en tient strictement aux 2 études chiffrées précédentes, nous constatons qu’a priori, il est 2 fois plus rentable d’investir à Lyon plutôt qu’à Saint-Étienne. MAIS !
Cette étude porte sur des chiffres, officiels certes, mais passés. Et comme il est coutume de le dire: “les performances passées ne présagent pas des performances futures“. Ainsi il ne peut être réellement pertinent de se baser uniquement sur ces 2 exemples chiffrés pour définir toute sa stratégie d’investissement. Pour preuve, regardons l’évolution des prix sur les 2 villes mentionnées, sur des périodes moins étendues :
- Nous avons constaté que Saint-Étienne avait vu son prix au m2 chuter de 31,10% sur les 10 dernières années. Or sur les 12 derniers mois, ce prix au m2 a augmenté de 0,6%, soit une hausse de 6,16% sur 10 ans si la tendance se poursuit;
- Nous avons constaté que Lyon 6ème avait vu son prix au m2 augmenter de 58,10% sur les 10 dernières années. Or sur les 12 deniers mois, ce prix au m2 a augmenté de 9,5%, soit une hausse de 147,82% sur 10 ans si la tendance se poursuit.
Ainsi, si l’on devait refaire les 2 démonstrations précédentes en tenant compte de ces chiffres plus “récents“, les résultats seraient complètement différents. En effet, même si Lyon 6ème continue de voir son prix au m2 flamber, Saint-Étienne passe du rouge au vert, d’un marché immobilier en chute libre à un marché à croissance positive. Et pour pousser l’étude encore plus loin, il ne serait qu’à moitié étonnant de voir cette croissance s’accentuer dans les années à venir. Évidement ce ne sont que des suppositions, mais celles-ci restent néanmoins basées sur des faits concrets, le premier d’entre eux étant le récent retournement à la hausse des prix au m2 qui jusqu’alors ne faisaient que descendre et commencent doucement à reprendre du poil de la bête.
Variable n°2 : la stratégie d’investissement peut tout remettre en cause !
Parfois la stratégie – ou plutôt devrait-on dire le montage fiscal associé à une stratégie immobilière bien spécifique – peut changer la donne du tout au tout.
En effet, supposons que l’investissement soit réalisé conjointement par 2 personnes (au moins) et que celles-ci aient décidé, pour tout un tas de raisons valables qui leur incombent, d’investir par le biais d’une Société Civile Immobilière (SCI) soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS).
La taxation des plus-values dans ce cadre est quelque peu particulière dans la mesure où celles-ci ne se basent pas sur la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition, mais entre le prix de vente et la Valeur Nette Comptable (VNC). Ainsi, plus il y a eu d’amortissements pratiqués sur un bien, plus le montant de l’imposition sur la plus-value sera élevé… même s’il n’y a pas eu de plus-value d’ailleurs, car la VNC sera forcément inférieure au prix d’acquisition et cela engendrera automatiquement une taxation.
Pour reprendre nos 2 exemples précédents, à Saint-Étienne un tel phénomène n’aura au final que très peu d’incidence sur la fiscalitéen cas de revente car nous avions vu que le marché avait perdu de la valeur : il n’est donc pas impossible que la valeur de revente après 10 ans soit peu ou prou équivalente à la VNC. A l’inverse à Lyon 6ème, cela ne fera qu’augmenter l’impact fiscal d’une revente avec plus-value, car l’écart entre le prix de revente et la VNC sera d’autant plus grand.
Cet exemple de la SCI à l’IS n’en est qu’un parmi d’autres. Tout cela permet surtout d’appuyer une nouvelle fois sur un point que nous rappelons sans cesse : en matière de gestion de patrimoine il n’existe aucune vérité absolue, seulement des stratégies adaptées à des personnes en fonction de leur situation, de leur profil et de leurs objectifs.
Variable n°3 : qui dit rentabilité élevée, dit cash-flow, dit intérêts composés !
Comme nous l’avons constaté à travers tout ce qui a été démontré jusqu’à ce point, une rentabilité élevée peut ne pas faire le poids face à un fort potentiel de plus-value.
Ceci étant, nous avons négligé un point important qu’il convient de prendre en compte afin d’aller au bout de notre démarche : une forte rentabilité rime souvent avec… cash-flow. Et plus il y a de cash-flow, plus il y a de possibilité de ré-investissement. Et dès lors il est possible de jouer sur 2 leviers :
- Le levier bancaire, à nouveau : afin de ré-investir dans l’immobilier ;
ET/OU
- Le levier financier des intérêts composés: afin de placer le cash-flow issu des revenus locatifs, sur un produit financier qui génèrera des intérêts, qui génèreront des intérêts, qui en généreront à leur tour, etc. Et les intérêts d’intérêts sont les fameux intérêts composés !
Conclusions
Reprenons nos 2 simulations. Nous supposerons que l’investissement de 300.000€, dans l’une et l’autre des villes évoquées, est financé par un emprunt bancaire au taux de 1,6% sur 20 ans. A ce tarif, cela représente des mensualités de crédit de 1.461,47€. Par ailleurs, nous continuerons de faire abstraction des charges liées au logement (taxe foncière, charges de copropriété, etc) afin de simplifier les calculs autant que possible.
- A Lyon 6ème : nous avions indiqué que pour 300.000€ investis nous pouvions générer, en moyenne, un loyer annuel net de 6.284,97€, soit 523,75€ par mois. Or, avec un crédit de 1.461,47€ à rembourser chaque mois, cela signifie qu’en réalité, cet investissement sur Lyon 6ème COÛTE 937,72€, que l’investisseur doit sortir de sa poche chaque mois.
Si l’on reprend nos chiffres de tout à l’heure, cela implique que les 182.801,22€générés par l’investissement sur Lyon 6ème doivent en réalité être minorés de 937,72€ par mois… soit 112.526,40€ sur 10 ans. Au final l’opération aura permis de générer un gain de 70.274,82€.
- A Saint-Étienne : nous avions indiqué que pour 300.000€ investis nous pouvions générer, en moyenne, un loyer annuel net de 18.464,65€, soit 538,72€ par mois. Or, avec un crédit de 1.461,47€ à rembourser chaque mois, cela signifie qu’en réalité, cet investissement sur Saint-Étienne RAPPORTE 77,25€, que l’investisseur peut mettre dans sa poche chaque mois.
En supposant que ces 77,25€ mensuels soient placés sur un produit financier rapportant 4% d’intérêts par an, au bout de 10 ans cela représente 11.338,23€.
Si l’on reprend nos chiffres de tout à l’heure, cela implique que les 91.346,50€générés par l’investissement sur Saint-Étienne doivent en réalité être augmentés de 11.338,23€. Au final l’opération aura permis de générer un gain de 102.684,73€…
…sans oublier que le fait d’avoir un cash-flow positif va permettre de retourner voir la banque afin de lui demander un nouveau prêt immobilier et ainsi d’enchainer les opérations d’investissements, tandis que dans le cadre d’un investissement tel que celui réalisé à Lyon 6ème, le taux d’endettement de l’investisseur s’en retrouvera fortement impacté et il est fort probable que celui-ci ne pourra dès lors pas réinvestir, du moins pas autant que s’il faisait du cash-flow.
Les autres questions à se poser avant d’investir
Tous les points abordés jusqu’ici ne sont qu’une partie des questions à se poser avant de déterminer si l’on préfère investir dans une ville à rentabilité élevée mais offrant parfois peu de perspectives de plus-values à moyen/long terme (voire un risque de moins-values), ou dans une ville moins rentable en termes de revenus locatifs mais avec un potentiel élevé de plus-values conséquentes. Au final, l’on ne peut être certain de rien car un marché peut se retourner aussi bien à la hausse qu’à la baisse et ce de manière plus ou moins rapide.
Mais comme l’a dit Mike Horn “pour se mettre en marche il suffit d’avoir 5% des réponses à ses questions ; les 95% restants viennent le long du chemin. Ceux qui veulent 100% de réponses avant de partir, restent sur place“.
Il faudra par exemple bien penser à vérifier le montant des charges afférentes à l’investissement : taxe foncière, charges de copropriété, assurances, etc. Il faudra également déterminer à la fois une stratégie d’investissement (location classique ? nue ? meublée ? courte durée ? colocation ? immeuble de rapport ? etc) mais également une stratégie fiscale (nom propre ? SCI à l’IR ? SCI à l’IS ? SARL de famille ? etc).
Ceci étant ces derniers points ont déjà été évoqués dans de précédentes formations et nous ne voudrions pas rendre celle-ci plus longue ni plus complexe qu’elle ne l’est déjà. Vous avez désormais 95% des réponses, ce qui est 19 fois mieux que ce que recommande Mike Horn, alors mettez-vous en marche.
Alexandre Castro
CGP associé – CSConsulting SARL