Le secteur immobilier est l’un des domaines d’investissements les plus prometteurs. Cependant, il n’est pas aussi simple d’accès en raison des procédures complexes et des coûts plus ou moins élevés. L’une des solutions pour pallier cette difficulté se trouve aujourd’hui dans l’émergence des nouvelles technologies, principalement la blockchain qui favorise la tokenisation immobilière.
Que vous soyez un investisseur confirmé ou amateur, ce concept facilite l’accès au marché et vous permet d’acquérir les droits de propriété d’un bien immobilier sous forme d’actif numérique appelé token. Le processus aide à supprimer certains intermédiaires, et offre une meilleure transparence, mais elle suscite également quelques questions. Découvrez dans cet article ce qu’est la tokenisation immobilière, son fonctionnement et bien d’autres détails importants autour du sujet.
Qu’est-ce que la tokenisation immobilière ?
On parle de tokenisation lorsqu’un token (aussi connu sous le nom de jeton numérique) est utilisé pour représenter numériquement un actif. Celui-ci peut être virtuel comme les droits d’auteur et les crypto-monnaies ou réel, comme les œuvres d’art, les métaux précieux, etc.
Appliquée au secteur de l’immobilier, la tokenisation désigne une opération qui consiste à représenter des droits de propriété d’un bien (appartements, maison, bureaux, terrains…) par des tokens qui peuvent être échangés sur une blockchain. Autrement, le bien immobilier est converti en jetons d’une valeur équivalente qui représentent une part de propriété dans l’actif et peuvent être échangés.
Le token immobilier est comparable aux parts sociales d’une société civile immobilière ou d’un fonds d’investissement où le capital d’acquisition est fractionné en une multitude de parts. Ceux-ci confèrent des droits à leurs propriétaires, tels que la perception des bénéfices.
Pour mieux cerner ce dont il s’agit, vous devez d’abord comprendre ce que c’est que la blockchain et les smarts contracts ou contrats intelligents.
La notion de blockchain
Ce concept désigne un registre qui sert à enregistrer des transactions. La particularité de la blockchain ou chaîne de blocs est qu’elle est décentralisée. À l’opposé des bases de données traditionnelles qui sont généralement stockées sur des serveurs, la blockchain est répartie sur l’ensemble des nœuds du réseau. Elle favorise ainsi le stockage et la transmission d’informations sous forme de blocs infalsifiables et de manière décentralisée.
Cette technologie est absolument différente d’un registre centralisé comme le cadastral (qui permet d’identifier et d’attester les droits de propriété immobiliers des personnes) par exemple qui est tenu par une autorité unique. Son fonctionnement permet à chaque membre du réseau de contribuer à la fiabilité des informations. De la sorte, aucun individu isolé ne peut falsifier le registre.
Les contrats intelligents
Avec la tokenisation immobilière, des droits sont attachés à chaque token, et leurs exécutions se font via des contrats intelligents, capables d’interagir avec la blockchain. Ces smarts contracts sont des programmes informatiques conçus pour automatiser l’exécution d’un contrat.
Ils reposent sur la blockchain et peuvent servir au transfert automatique des fonds d’un portefeuille digital à un autre si les conditions nécessaires sont réunies. Dans le cadre d’un bail, les propriétaires des tokens peuvent, par exemple, percevoir automatiquement les loyers via leur contrat intelligent.
Comment fonctionne la tokénisation immobilière ?
La tokenisation d’un actif immobilier repose principalement sur l’infrastructure numérique que constitue la blockchain. Cette dernière peut être privée ou publique, et elle sert à enregistrer toutes les transactions liées aux tokens. Le processus se déroule en plusieurs étapes.
Sélection et évaluation de l’actif numérique
Avant de procéder à la tokenisation d’un bien immobilier, il faut d’abord l’identifier et l’évaluer. L’actif en question peut être un immeuble résidentiel ou de bureaux, une propriété commerciale, un appartement, un terrain ou aussi un projet immobilier en développement. Une fois le choix opéré, des experts doivent déterminer sa valeur marchande. Cette démarche est essentielle pour fixer le nombre de jetons numériques à émettre.
Création du modèle juridique et fractionnement de l’actif
Après évaluation de l’actif, un cadre juridique est établi. Celui-ci sert à définir la nature des droits associés aux jetons, y compris les aspects de revenus générés, de propriété et de gestion, etc. Ensuite, le bien est divisé en plusieurs tokens. Ainsi, un actif immobilier d’une valeur de dix millions d’euros peut être représenté par 1000 tokens d’une valeur unitaire initiale de 10 000 euros.
Création et émission des tokens sur une blockchain
Les droits liés à la propriété du bien immobilier sont transformés en tokens sur une blockchain généralement compatible avec Etherum (ERC-20 ou ERC-721) ou Binance (BEP20). Chaque pièce représente une fraction de l’actif. Les tokens sont tous inscrits dans un smart contract qui garantit l’exécution automatique des obligations et droits relatifs à la propriété.
Choix des plateformes d’échange et distribution des tokens
Les plateformes d’échange de jetons numériques (Uniswap, Okx, Coinbase, Binance, etc.) sont des espaces de trading de crypto-monnaies qui permettent aux investisseurs d’acheter, de vendre ou d’échanger leurs parts. Après avoir créé le nombre de jetons idéal pour l’actif immobilier, il faut procéder au listage sur des plateformes pour faciliter l’achat et la vente.
Les investisseurs pourront alors se les procurer en échange de monnaie fiat ou d’autres crypto-monnaies. La première distribution peut se faire sur l’une des plateformes ou via une offre publique initiale (Presale ou Initial Token Offering).
Échanges secondaires et gestion de l’actif
Au besoin, les propriétaires de jetons peuvent échanger leurs parts sur les plateformes d’échanges. Cela permet d’avoir une liquidité accrue du marché immobilier. La gestion de l’actif reste généralement au soin d’un gestionnaire qualifié. Celui-ci fournit aux investisseurs des rapports sur les dépenses, les revenus, et d’autres détails sur les performances du projet.
Grâce aux plateformes d’échanges, les détenteurs bénéficient directement et automatiquement de tous leurs droits et des avantages liés à l’acquisition des tokens. Les revenus et les profits sont distribués proportionnellement à l’investissement de chacun.
Comment définir la valeur d’un token immobilier ?
Deux critères sont principalement pris en compte pour définir la valeur d’un token immobilier :
- La valeur vénale sous-jacente du bien immobilier (il évolue en fonction comportement du marché de l’immobilier réel) ;
- La valeur vénale du jeton immobilier (il dépend en général de l’offre et de la demande du token, autrement dit, de la valeur à laquelle celui-ci est échangé sur le marché).
De manière pratique, si le token s’échange librement selon l’offre et la demande, les investisseurs évaluent sa valeur en fonction du retour sur investissement potentiel qu’il peut générer. Par contre, dans la mesure où le marché des crypto-monnaies n’est pas particulièrement stable, il est possible de constater une nette différence entre la valeur vénale de l’actif et celle du jeton.
En théorie, il serait normal que la valeur d’un jeton immobilier soit égale à la valeur de marché du bien sous-jacent. Cependant, ce n’est pas quelque chose que la volatilité du marché cryptographique permet. Ainsi, une grande décorrélation entre les prix peut se remarquer.
D’un point de vue global, le prix d’un jeton immobilier dépend surtout des règles définies par son émetteur. Une équipe peut choisir de fixer le prix du token en fonction de la valeur vénale de l’actif immobilier avec une réévaluation annuelle par exemple. Dans ce cas, les échanges de jeton sur le marché secondaire se feront via une liste d’attente.
Aucun déséquilibre entre l’offre et la demande ne peut ici entraîner une hausse du prix fixé. D’un autre côté, certains émetteurs peuvent décider de laisser le prix du jeton se fixer librement selon l’offre et la demande. Ceci laisse la liberté aux investisseurs de jouer sur la spéculation en achetant des pièces numériques potentiellement décorrélées des fondamentaux.
Quels sont les différents modèles juridiques de tokenisation immobilière ?
Il existe plusieurs modèles juridiques de tokenisation immobilière. Ceux-ci varient en fonction de la nature des tokens émis et du cadre légal applicable. Cependant, voici en général les principaux modèles.
Propriété fragmentée
Ce premier modèle juridique se traduit par la rédaction d’un contrat sur les droits de propriété. Chaque token acheté par les investisseurs dans ce contexte représente une part réelle du bien immobilier. Tous les propriétaires deviennent donc copropriétaires du bien, ce qui leur attribue des droits légaux sur la rentabilité, la gestion ou la vente de celui-ci.
Titres financiers ou obligations
Avec ce modèle, les jetons fonctionnent comme des obligations ou des titres de créance. Les investisseurs qui se les procurent achètent ici les droits sur les revenus futurs générés par l’actif, plutôt que l’actif lui-même. Ils auront donc des profits sur les performances du bien.
Pour adopter ce type de contrats, les émetteurs doivent d’abord obtenir l’approbation de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) qui assimile ces contrats à des titres de créance ou des titres financiers. Ils doivent donc suivre la procédure d’offre au public de titres financier, et un prospectus détaillé doit être fourni aux investisseurs.
Tokenisation via une société intermédiaire
Parfois, le bien immobilier est détenu par une société ou l’émetteur choisit d’émettre des titres financiers en passant par une société à capital fixe ou à capital variable, ou encore une SLP (Société de libre partenariat). Dans ce cas, les titres émis sont de types action. Chaque token détenu représente donc une fraction de la société propriétaire du bien ou intermédiaire.
L’utilisation de ce modèle de tokenisation doit respecter les dispositions du Code monétaire et financier. Ainsi, c’est par un DEEP (Dispositif d’enregistrement électronique partagé) que les titres financiers doivent être émis.
Droit d’accès ou d’usage
Quelques projets de tokenisation immobilière présentent de modèles innovants dans lesquels les jetons ne représentent pas directement la propriété, mais plutôt un droit de jouissance ou d’usage. Les détenteurs peuvent donc bénéficier des avantages pécuniaires liés au bien, mais aussi l’utiliser pour un besoin précis. Cela peut servir, par exemple, à la location de bureaux ou pour un séjour sur une période déterminée.
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’immobilier tokenisé ?
La tokenisation immobilière présente de nombreux avantages, que ce soit pour l’émetteur ou les investisseurs. Cependant, comme toutes autres technologies, elle n’est pas sans limite.
Les avantages pour l’émetteur du jeton numérique
Pour celui qui formule le projet et émet les jetons, la tokenisation est un excellent moyen pour :
- Exploiter la blockchain afin de fractionner sa propriété ou son actif immobilier en une multitude de token,
- Diversifier ses marchés et proposer des actifs immobiliers un peu partout dans le monde sans barrière géographique,
- Utiliser les smarts contracts afin d’automatiser les conditions contractuelles de vente du jeton,
- Augmenter la liquidité d’un actif immobilier grâce au fonctionnement de la blockchain et à la disponibilité des plateformes d’échanges 7/7 et 24h/24,
- Effectuer des transactions transparentes et traçables en toute sécurité grâce à la blockchain qui permet de connaître l’historique complet d’un token ou d’une propriété.
Les avantages pour l’investisseur
Si l’émetteur peut profiter de son choix de tokenisation immobilière, ceux qui adhèrent à l’initiative et y investissent peuvent ainsi :
- Accéder au marché de l’immobilier sans complexité administrative et sans barrière à l’entrée,
- Profiter de la blockchain pour acquérir une quote-part ou un droit de propriété sur un actif immobilier,
- Acheter ou vendre rapidement des tokens immobiliers de façon sécurisée et décentralisée via la blockchain,
- Bénéficier d’une réduction des frais de transaction, des délais et aussi des intermédiaires. Il n’y a en l’état actuel aucun droit d’enregistrement à payer pour la vente d’un token immobilier sur la blockchain. De plus, nul besoin de se rendre chez un notaire. Tout peut se faire depuis chez soi et en quelques clics seulement.
Les inconvénients de la tokenisation immobilière
Bien qu’elle soit très profitable pour l’émetteur et les investisseurs, la tokenisation immobilière présente également quelques faiblesses :
- Les exigences liées à la fiscalité, notamment pour les Français et quelques autres pays ;
- L’obligation de se fier entièrement à des experts pour la gestion, le prix d’achat, de revente, le loyer, le choix des locataires ou des artisans pour les travaux de réparation en cas de besoin ;
- Les risques de loyers impayés, et s’il n’y a pas de locataire, l’investisseur ne peut obtenir un rendement ;
- Les défaillances technologiques relatives à la blockchain qui peuvent faire perdre l’accès aux tokens (problèmes de fonctionnement graves, hack ou perte des accès au portefeuille crypto).
Il est important de prendre en compte chacun de ses inconvénients avant de s’engager financièrement dans un projet immobilier tokenisé.